Le cacao, originaire d’Amérique centrale, a été rapporté en Europe au XVIIe siècle par des navires négriers. Il a ensuite été transformé en chocolat, un produit consommé dans le monde entier aujourd’hui. Cependant, il y a 2600 ans, les premières recettes à base de cacao étaient principalement utilisées pour des offrandes religieuses.
Au fil des siècles, l’utilisation et la nature du cacao ont évolué. Il a été un enjeu géopolitique pour les conquistadores d’hier et économique pour les petits producteurs d’aujourd’hui.
Le cacaoyer
L’épopée du chocolat débute avec un arbre particulier, le cacaoyer, qui pousse dans les forêts amazoniennes. Il est de taille modeste (10 à 15 mètres) et préfère l’ombre des arbres qui l’entourent. Lorsqu’il est cultivé, on le maintient à une hauteur de 5 à 6 mètres pour faciliter son exploitation. Le cacaoyer a des caractéristiques surprenantes : ses fleurs sont minuscules mais nombreuses, et seulement une sur cent donnera naissance à un fruit énorme, la cabosse. La cabosse est un fruit en forme de ballon de rugby, de 20 centimètres de long et 15 de large, qui devient jaune-orangé à maturité. Elle contient de 30 à 50 graines, appelées fèves, entourées d’une pulpe sucrée et blanche. De plus, les fleurs poussent directement sur le tronc et les branches principales de l’arbre, sur lesquelles se trouvent les cabosses. Les différents stades de croissance de l’arbre se déroulent en même temps, ce qui est surprenant. Enfin, une fois mûres, les cabosses restent accrochées à l’arbre et ne tombent pas, les graines se dessèchent et meurent. Pour se reproduire, le cacaoyer doit compter sur un fruit accidentellement ouvert pour libérer les graines.
Utilisation de la pulpe de cacaoyer par les populations de la forêt amazonienne
Les populations indigènes de la forêt amazonienne apprécient la pulpe rafraîchissante et sucrée qui entoure les graines de cet arbre étrange.
Il y a environ 3 000 ans, les Olmèques sont les premiers à domestiquer le cacaoyer sauvage dans une aire géographique comprise entre le sud du Mexique et le Costa Rica. Ils ont également l’idée de préparer une boisson fermentée à partir de la pulpe.
Cultivation du cacaoyer par les Mayas
Quelques siècles plus tard, les Mayas établis dans la péninsule du Yucatán se mettent à leur tour à cultiver le cacaoyer. Ce sont eux qui, à partir des graines elles-mêmes, élaborent le cacao et inventent le breuvage que nous nommons chocolat. En 2002, des scientifiques ont en effet identifié des traces de théobromine – un composé du cacao – dans des poteries mayas datant de 2 600 ans. Par conséquent, les Mayas sont considérés comme les inventeurs du chocolat.
Comment les Mayas fabriquaient leur chocolat
Les Mayas ont une méthode particulière pour fabriquer leur chocolat. Ils commencent par fermenter et sécher les graines qu’ils extraient des cabosses. Ils grillent ensuite les fèves obtenues, puis les écrasent pour en faire une pâte. Ce mélange est ensuite délayé dans de l’eau bouillante et battu vigoureusement pour former une mousse très appréciée. Il existe également une autre méthode pour obtenir cette mousse qui consiste à verser le breuvage d’une certaine hauteur d’un récipient dans un autre.
Les Mayas ajoutent également des ingrédients pour épaissir et aromatiser leur chocolat, tels que la farine de maïs, la vanille, le piment, le musc, des graines d’un arbuste nommé « roucou » et même des champignons hallucinogènes. Ce chocolat faisait partie des offrandes destinées aux divinités, qui s’en nourrissaient. Les dieux, reconnaissants pour ce don, autorisaient ensuite les hommes à consommer eux aussi le breuvage sacré, en respectant des rites strictement codifiés.
Le chocolat dans la Méso-Amérique précolombienne
Deux mille ans après les premiers chocolats (liquides) élaborés par les Mayas, les Aztèques s’intéressent à leur tour au breuvage des dieux. Au début du xive siècle, ils se sédentarisent définitivement au centre du Mexique et se mettent à cultiver le cacaoyer, à fabriquer le cacao et à préparer le xocoatl (le chocolat). Comme les Mayas, ils le consomment lors de rituels religieux au cours desquels on danse, on invoque les dieux et on pratique les sacrifices humains. Au breuvage des dieux, les Aztèques attribuent des vertus fortifiantes, thérapeutiques et aphrodisiaques.
Les termes pour désigner le chocolat et le cacao
En nahuatl, la langue des Aztèques, le mot cacahua désigne le fruit du cacaoyer. Dans certaines langues mayas, on rencontre l’expression om kakaw qui désigne le chocolat mousseux, ainsi qu’un groupe de signes écrits (un glyphe) qui se prononce kakawa. Proches phonétiquement, ces mots sont à l’origine du nom donné dans notre langue au cacao
Découverte des fèves de cacaoyer par Christophe Colomb
En 1502, lors de son quatrième et dernier voyage vers le Nouveau Monde, Christophe Colomb et son équipage ont saisi des marchandises transportées par une pirogue indienne le long des côtes du Honduras. Selon Fernando, le fils de Colomb, ces marchandises comprenaient de grandes quantités d’amandes qui avaient beaucoup de valeur pour les Indiens. Colomb est ainsi le premier Européen à découvrir les fèves de cacaoyer, mais pas le chocolat qui restera inconnu des Européens jusqu’en 1519.
Découverte du chocolat par Hernán Cortés
En 1519, Hernán Cortés est entré au Mexique à la tête d’une troupe de 700 conquistadores. Il y a été accueilli par Moctezuma II, l’empereur des Aztèques, qui lui a proposé de déguster du xocoatl, une boisson amère et pimentée. Cortés a été plus intéressé par les coupes en or massif qui la servaient plutôt que par sa saveur. Cependant, il a compris que la possession de plantations de cacaoyers lui garantirait une immense fortune. Cinq ans plus tard, en 1524, il a expédié quelques sacs de fèves à la cour de Charles Quint, mais cette nouveauté n’a pas été très bien accueillie.
L’histoire de la popularisation du chocolat
Une intuition culinaire a permis de transformer la médiocre appréciation gustative du chocolat en une boisson furieusement à la mode. La légende raconte qu’une soeur carmélite d’un couvent d’Oaxaca, sur la côte pacifique du Mexique, a eu l’idée d’adoucir l’amertume du chocolat en y ajoutant du sucre de canne. Cette nouvelle recette a connu un tel engouement que les épouses des riches Espagnols établis dans les colonies d’Amérique se sont mises à en boire du matin au soir, même pendant la messe !
Le débat religieux sur le chocolat
Cette popularité a conduit l’Église à se poser des questions importantes : est-ce que le chocolat est une simple boisson ou une véritable nourriture ? Si tel était le cas, son ingestion violerait le « jeûne eucharistique » obligatoire pour recevoir la Sainte Communion. Par ailleurs, est-il compatible avec les restrictions alimentaires imposées pendant le carême ? Les Dominicains ont répondu par la négative alors que les Jésuites ont plaidé en faveur de son autorisation, notamment parce qu’ils étaient à la tête d’un lucratif commerce de fèves de cacao entre les Amériques et l’Europe. La polémique a fait rage pendant des décennies, jusqu’à ce que le pape Alexandre vii mette fin au débat en 1662 en affirmant que le chocolat à l’eau est bien une boisson et qu’il ne rompt pas le jeûne. Les gourmands ont donc gagné la partie et le chocolat a pu être consommé à tout moment, y compris pendant le carême.
Introduction du chocolat en Europe
Le chocolat sucré ayant séduit les papilles des colons, ceux-ci décidèrent d’expédier à nouveau vers la mère patrie des fèves de cacao accompagnées de leur mode d’emploi. Près de soixante ans après le « ballon d’essai » avorté de Cortés, une cargaison de fèves quitta en 1585 le port de Vera Cruz à destination de l’Espagne. Le chocolat devint rapidement l’une des boissons favorites de l’aristocratie et du haut clergé de la péninsule ibérique.
Expansion du chocolat en Europe
À la fin du xvie siècle, le succès du chocolat commença à s’étendre aux pays que dominait la couronne d’Espagne (par exemple les Flandres). Puis, le breuvage fut progressivement diffusé à l’ensemble des nations européennes à la faveur, notamment, des échanges établis au sein des ordres religieux.
Introduction du chocolat en France
Nos ancêtres français découvrirent le chocolat en deux temps. La première introduction du cacao sur notre territoire date de 1615. Il fit partie des bagages de l’infante d’Espagne, Anne d’Autriche, venue en France pour épouser le roi Louis XIII. Mais l’intérêt de la cour de France pour le chocolat naquit réellement un demi-siècle plus tard lorsqu’une autre princesse espagnole, Marie-Thérèse, quitta elle aussi sa terre natale pour se marier avec le jeune Louis XIV (1660). La nouvelle reine manifesta une passion immodérée pour le chocolat : on le lui préparait plusieurs fois par jour dans une chocolatière munie d’un moussoir qu’elle avait fait venir d’Espagne. Marie-Thérèse parvint à faire partager cette « dévotion » à la plupart des courtisans de Versailles. Cependant, le produit demeura un luxe auquel seules les personnes les plus fortunées pouvaient avoir accès.
Louis XIV et le chocolat
Au 17ème siècle, le chocolat n’était pas apprécié par tout le monde. Le roi Louis XIV en particulier ne l’appréciait pas car il pensait qu’il ne remplissait pas l’estomac. Cependant, en 1659, il a accordé un privilège exclusif à un valet de chambre nommé David Chaillou pour fabriquer, vendre et débiter le chocolat dans toutes les villes du royaume. Muni de cette autorisation, Chaillou a ouvert une boutique à Paris où les amateurs de chocolat se pressaient pour goûter sa préparation.
Le chocolat sous le règne de Louis XV
Sous le règne de Louis XV, l’intérêt pour le chocolat n’a fait qu’augmenter. Il était particulièrement apprécié par la marquise de Pompadour et la comtesse du Barry, les grandes favorites du roi. Le chocolat était considéré comme ayant des vertus fortifiantes et digestives, et même comme étant aphrodisiaque. La marquise de Pompadour elle-même indiquait boire du chocolat pour « s’échauffer le sang » avant de coucher avec le roi Louis XV.
La révolution du chocolat : une histoire économique et sociale
La révolution du chocolat est un phénomène des siècles passés et qui a eu des répercussions sur les plans économique et social. Tout a commencé avec le monopole espagnol sur la culture du cacaoyer et la fabrication du cacao. Cependant, dès que les autres nations européennes ont découvert les secrets de cette culture, elles ont commencé à créer des plantations dans leurs colonies d’Amérique, d’Asie du Sud-Est et d’Afrique.
En 1679, sous le règne de Louis XIV, la première cargaison de fèves de cacao récoltées dans les Antilles françaises a été débarquée sur les quais de Brest. C’est à partir de ce moment-là que la culture du cacao a commencé à se développer en France. Il en résulte que cette culture a été produite avec la sueur des esclaves raflés en Afrique, qui ont été transportés dans les colonies pour travailler sur les plantations.
Par ailleurs, ces voyages au long cours ont assuré la fortune des marchands d’Amsterdam, de Venise, de Londres, etc. Il est donc clair que la révolution du chocolat a eu des conséquences économiques importantes pour ces pays et pour les propriétaires de plantations de cacao. Il a également eu des répercussions sociales importantes, étant donné que la culture du cacao a été produite avec la main-d’œuvre esclavagiste.
L’évolution du chocolat en Europe
Pendant près d’un siècle et demi, les Européens ne consommaient que du chocolat sous forme de boisson, c’est seulement en 1674 que les premiers bonbons au chocolat « à croquer » ont été fabriqués à Londres. Cependant, la première usine industrielle de chocolat n’a vu le jour qu’un demi-siècle plus tard, en 1728, en Angleterre. En France, l’entreprise Pelletier & Cie a été créée à Paris en 1770.
Au XIXe siècle, les progrès technologiques ont considérablement accéléré. En 1825, le Hollandais Conrad Van Houten a inventé un procédé permettant d’obtenir une poudre fine de cacao, qui, mélangée à de l’eau chaude ou du lait, donne une boisson homogène. Cependant, il a fallu attendre 1847 pour voir la première tablette de chocolat. L’Anglais Fry a eu l’idée d’ajouter du beurre de cacao à la poudre chocolatée pour obtenir une pâte malléable qui peut être versée dans des moules. Cette tablette a été une véritable révolution qui a contribué à démocratiser le chocolat.
Il a fallu encore près de trente ans pour que la première tablette de chocolat au lait soit créée, en 1875, par le Suisse Daniel Peter. C’est également au cours de ce XIXe siècle que les grands industriels européens du chocolat sont apparus, tels que Cadbury en Angleterre, Van Houten aux Pays-Bas, Suchard, Tobler, Cailler, Lindt et Nestlé en Suisse, Menier et Poulain en France. Par ailleurs, aux Etats-Unis, Forrest Mars a inventé la fameuse barre chocolatée qui porte toujours son nom en 1925.
Processus de transformation de la fève de cacao
Après avoir récolté les cabosses, l’écabossage est effectué manuellement pour extraire les graines. Les fèves subissent ensuite une fermentation pendant quelques jours, ce qui est crucial pour la formation des précurseurs de l’arôme du chocolat tout en réduisant l’amertume naturelle de la fève. Ensuite, les fèves séchées sont vendues aux industriels appelés « broyeurs », qui les torréfient en les chauffant entre 110 et 140 degrés Celsius pendant 15 à 40 minutes, ce qui permet de créer l’arôme final du chocolat. Les fèves broyées donnent alors une pâte semi-liquide appelée « masse de cacao », qui est souvent vendue aux chocolatiers pour qu’ils la malaxent avec d’autres ingrédients tels que le beurre de cacao, le sucre et éventuellement la poudre de lait pour fabriquer du chocolat au lait. La pâte obtenue après le mélange est ensuite chauffée à 70 degrés Celsius et brassée dans une opération appelée conchage. Après refroidissement, le chocolat encore liquide est versé dans des moules puis réfrigéré pour qu’il puisse cristalliser.